GUJARAT : Poésie Salée

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GUJARAT : Poésie Salée

(Ecrit le 5 novembre, sur la côte entre Goa et Bombay)

Cho docile de kem !

(Manière de dire « Bonjour » en Gujarati , langue indo-aryenne de l'état du Gujarat).

Reposés, lavés, connectés… nous voici… au bord de la mer d'Arabie.

En face, il y a un temple qui ressemble à un gros gâteau à la crème en l'honneur d'un dieu qui a plein de bras (ils sont trop class les dieux ici, on pourrait en faire des super robots en plastique pour les enfants à noël), et à côté une mosquée.
Le muezzin chante comme un wok (grosse casserole Indienne), et comme vous connaissez par cœur les horaires de prière (comme nous, vous n'êtes pas de sales hérétiques occidentaux, j'en suis sûr), vous pouvez conclure qu'il est à peu près 19h ou 5h.

Voila pour planter le décor (à défaut de la tente).

Avec un peu de retard, nous vous faisons parvenir ce nouveau cyclo-reportage, kaléidoscope de paysages, de portraits et de cultures au cœur du pays Gujarati.
Etat en guerre il y a quelques années avec le Pakistan, on y rentre actuellement comme dans du beurre (de Bhârat, bien sur).

Nous sommes un peu à la bourre nous direz-vous, mais que voulez-vous, on n'est pas en vacances !

Il est 19h au moment où cette ligne s'écrit.
L'heure où la chaleur du jour passe dans la fraicheur de la nuit.
Les vélos à l'arrêt, nous échappons à la température du dehors pour se caler dans une payotte au bord de route, sous un ventilo, pour partager nos impressions avec vous.
Notre « Escale ordinaire » en pays Indien.

Le temps nous dépasse doucement.
Une vache mâchonne un bout de journal. Un vieil homme assis sur son charpoi fume un beedie dont il aspire la fumée à travers son poing fermé…
Ces pauses nous équilibrent.
Seul le mouvement donne du grain à moudre à notre curiosité. Il faut pédaler pour mériter les rencontres, et la récompense est au prix de la sueur.
Moulinons, moulinons, faisons défiler les paysages sous les roues, instinct primaire du nomade gagnant notre quotidien…
Mais sachons aussi stopper la machine, goûter la saveur du temps qui passe par ici en nous abandonnant au rythme de la vie des habitants du Gujarat.

Nous avons apprit plein de chose en trois mois. Comme demander notre chemin à un Indien, considérer tout ce qu'on vous dira comme faux ; re-demander à quelqu'un d'autre (et Jérémie a pourtant été entraîné en Afrique !), et finalement juger suivant l'orientation du soleil.

Bref, revenons-en à nos chameaux. (car ici ya pas de moutons)
Péninsule coincée entre la mer d'Arabie et l'immense désert du Thar, le Gujarat est une envoûtante symphonie de sel et de sable.
Et de goudron aussi.
Car il faut le dire, hormis quelques routes de campagne, ce sont essentiellement des axes routiers bruyant qui nous ont permis de rejoindre le somptueux désert de sel du Rann of Kachchh (prononcer Kutch) et les premières plages de la mer d'Arabie.

Ces grosses lignes rouge sur notre carte que nous partageons avec les camions sont les seuls accès à travers la campagne encore inondée après le passage de la mousson.

Puisque cela vous intéresse tous au plus haut point, les genoux de Nathalie vont mieux. Pour répondre à Alain, fervent compétiteur de nos petits jeux en ligne, nous n'avons pas eu besoin de « rebouseteux » (ils ont l'air de faire pas mal de truc avec leurs vaches ici), ni de médecine parallèle, ni même de médecine perpendiculaire, comme il le dit lui même.

Mais ce sont maintenant les chevilles de Jérémie qui oscillent entre blessures qui ne cicatrisent pas, et foulures à répétition, et foulures à répétition, et foulures à répétition, et foulures à répétition ….
Qu'importe, on pédale quand même du moment que le but est tatin, parce que quand même c'est pas de la tarte !

Et comme nous trouvons le melting-pot Indo-asiatico-islamo-chritstiano-sino-et autres trucs en « o » toujours très réussi ici, on continue !

Même si on n'a pas assez de place dans les sacoches, on vous emmène pour un nouvel épisode de « Nathalie et Jérémie vous montrent comment c'est super l'Inde à vélo » -> http://inde-a-velo.jeremiebt.com

Et n'oubliez pas de jouer à nos quizz pour gagner des aquarelles ! : http://inde-a-velo.jeremiebt.com/jeux/

On vous aime, Nathalie et Jérémie, mélange sucré/salé

PS 1 :
Pour nous suivre par ordinateur interposé : http://inde-a-velo.jeremiebt.com/carte/
PS 2 :
Même si on préfère « Tu m'enivres » qui vaut mieux que « Tu m'énerves », il y a un lien de désinscription en bas de cette newsletter.
PS 3 :
On aime beaucoup avoir de vos nouvelles nous aussi, alors n'hésitez pas à nous envoyer un mail ou à laisser des commentaires tout en bas des pages du site. Nous lirons ces lignes goulûment !
PS 4 :
Merci divinement à Alex', Phil et Xav' qui transforment nos photos et nos impressions en supers articles pour vos beaux yeux.
PS 5 :
Merci aux personnes qui nous ont donnés un toit le temps d'une nuit, un repas, un sourire, une bonne indication routière, et de quoi nourrir notre curiosité jamais rassasiée.
PS 6 :
Kikadikoi ? « L'Inde, c'est une poubelle »
PS 7 :
Kikadikoi ? « Ca fait plusieurs que je me sens et ça daube !! »
PS 8 :
Kikadikoi ? « Mais ils sont con ces Indiens !»
PS 9 :
Anecdote : Un midi, dans l'un de ces innombrables restaurant/hôtel de la Nationale Highway, Nathalie lave son pantalon et le met à sécher sur une barrière en face des tables. Surprise, surprise, au moment d'aller le récupérer. Le gérant l'avait mis… à la poubelle !!! Plus qu'à le relaver à la prochaine pause…
PS 10 :
Anectodote : On a passé le tropique du cancer lors de notre traversée du Great Rann of Kutchh !
PS 11 :
Koikonapasditànosparents : « Rouler de nuit sur une Nationale qui ressemble de très près à une autoroute, n'a pas été la meilleur idée de notre vie … »

Nous voilà partis à la découverte du Gujarat pour trois semaines.
Le Guja-quoi?
Le Gujarat est un état du nord-ouest de l'Inde. Au nord, il y a le Pakistan, à l'est le Rajasthan; à l'ouest et au sud l'océan Indien.

C'est une culture, une langue, un alphabet et des religions différentes …

On nous avait dit que cet état reculé est quasi ignoré des touristes, ceci d'autant plus que nous passons après la mousson.
On confirme.

Le Gujarat, c'est la terre d'origine du Mahatma Gandhi, qui fit plier la couronne anglaise jusqu'à l'indépendance en 1947.... mais ce n'est pas la raison de notre venue ici.

Le Gujarat, c'est aussi la terre d'accueil de nombreux oiseaux migrateurs dont les flamands roses et les pélicans... mais puisqu'ils y viennent en hiver. Ce n'est pas non plus la raison de notre venue ici.

Le Gujarat, c'est aussi le seul état indien où l'alcool est interdit ... mais ce n'est pas la raison de notre venue ici.

Le Gujarat, c'est aussi ses immenses et nombreux champs de coton ... mais ils fleurissent en mars-avril ; ce n'est donc pas non plus la raison de notre venue ici.

Mais que vient-on faire ici ?

Vous le saurez en lisant ce cyclo-reportage ;)

DANS LE SILLAGE DES CAMIONS

Sur ces routes monotones et camionneuses, avec le vent dans le dos, nous avalons la route (c'est une image hein !).
70, 80, 90 km par jour, largement au-dessus de nos moyennes saisonnières.
Nous allons vers le sud, vers la mer d'Arabie, vers les palmiers et les plages.
Ces rêves nous encouragent à avancer.
Nos journées ne sont pas non plus ennuyeuses, car nous composons pour notre duo accordéon/violoncelle qui nous attend au retour.
Nous écrivons durant les pauses le reportage sur le Rajasthan laissé derrière nous, nous dessinons, nous dormons …
Mais du coup, nous avons peu de jolies photos à vous faire partager.
Alors, on en profite pour parfaire votre (et notre) culture générale sur l'Inde, pour que, comme nous, vous en appréciez d'autant plus la saveur à chaque nouvelle bouchée.

Lors d'une nuit dans un dhabba, nous rencontrons pour la première fois des Indiens ivres.
La culture du Gujarat a subi une forte influence de l'Islam et du Jainisme. Une conséquence sur la vie quotidienne est que l'alcool est interdit au Gujarat. La frontière est alors bien marquée par la contre-bande et le marché noir (sans jeux de mots).

Des énormes essaims au-dessus de notre tête !

Suivi par des vers à soie

Si vous croisez quelqu'un qui a un truc coincé dans la joue, ce n'est pas qu'un bout de viande est resté entre ses dents, mais c'est surement du tabac à chiquer. Ils l'achètent sous cette forme, puis le pressent entre leurs mains et gobent tout d'un coup. Ils nous parlent alors comme s'ils avaient une patate coincée dans la bouche.
Déjà qu'on ne comprend pas grand-chose en temps normal …

LES FOUS DU VOLANT

Enlèvement, agression, braquage, bandits de grands chemins, serpents, palu, encéphalite japonaise, typhus, la peur du noir, des fantômes, que sais-je encore ?…
L'imagination est sans limite quand la peur nous gagne.

Ici, le plus gros danger pour le cycliste c'est l'engins à quatre roues sans cerveaux… et plus il est gros, et plus il est dangereux (…con aussi !)..

Malgré toutes les rencontres impromptues, les hôtes chez qui nous logeons, les amis des amis, c'est quand même sur la route, là où nous passons le plus de temps, que nous en rencontrons le plus grand nombre d'Indien et avec la plus grande variété. A chacun son style, sa vitesse, sa manière de nous aborder, …

Nous essayons de comprendre leur code de la route ; c'est dur.

Une règle est quand même commune à tous, … c'est qu'il n'y pas de règles ! Pas de priorité, pas de panneau (ou tellement peu !), pas de feu tricolore, pas de cédez le passage, … Ça nous arrive assez régulièrement de traverser une ville de la taille de Lyon sans voir une seule signalétique !

A chaque croisement, chacun s'avance, klaxon si c'est inutile, et … force le chemin !!!

C'est la jungle.
Remarque en Inde, c'est un euphémisme.

La loi du plus gros est de mise ou celle du plus culotté.

Camions, voitures, puis accessoirement vélos, piétons, puis les chiens. Sans oublier les sacrés vaches qui passent avant tout le monde.

C'est un véritable art que de conduire ici, et cela peut s'apprendre tout seul, aucune heure de conduite avec un professeur n'est requise. A croire que le permis s'achète dans une pochette surprise !

Conducteurs et piétons sont des professionnels de l'imprévu et de l'adaptabilité. Une vache peut surgir à tout moment, ils sauront l'éviter ou piler à temps ; pour un vélo, c'est moins certain. Au bout de quelques mois, nous commençons à comprendre le système et à se frayer un chemin sans perdre notre sang froid. Quoique.

CHOC THERMIQUE

Chauffé à blanc, le soleil s'éteint en plein ciel, se noie dans une soupe jaunasse saturée de poussière. La nuit nous surprend en plein labeur, et ne nous rafraichit pas. La chaleur nocturne est peut-être pire que celle du jour car elle rompt un pacte d'alternance naturel. Elle nous prive de l'espoir que plus tard, ça ira mieux.
Car plus tard c'est demain, et demain, il fera chaud.

Et depuis la fin du désert du Thar, Jérémie a perdu notre super carte. Alors on se débrouille avec une autre très approximative, complétée avec une recherche google et la boussole, mais on se perd un peu dans les petits villages du nord du Gujarat.

Une fois la nationale quittée, le paysage change radicalement : les villages et cultures laissent place à une immense plaine parsemée de petits lacs et de bush (acacias). C'est calme, ombragé, plus de déchets (sauf dans les villes), la température idéale, les routes plutôt bonnes, parfait pour rouler en vélo.

Rapar à droite ou à gauche ? 36 ou 50 km ???
Toute la magie de la signalétique Indienne …

Affaire d'état : à coup de cicatrisant 4f/jour pendant près d'un mois, Jérémie est arrivé au bout de ses « bobos » !

Une victoire est remportée mais pas la guerre : un nouveau fait son apparition derrière. Cette fois-ci, on compte l'avoir avec une poudre anti-bactériologique, qui de surcroit, permet de sécher la plaie en ces contrées tropicales humides. La suite au prochain épisode.

Avant d'atteindre le Kutch, nous passons dans le « Désert D'Amarapara »

On entend surtout et on croise des Paons

MOTHER INDIA 

Avec plus d'un milliard trois cent mille habitants, l'Inde héberge à elle seule plus de 20 % de la population mondiale. Un cinquième de l'humanité. Un homme sur cinq est Indien.
Ca calme.

Quel est ce pays dont le nom effraie et fascine, ne laisse pas indifférent, cette terre qui accueille l'étranger pour une leçon de philosophie ? L'Inde est une énigme que de nombreux voyageurs ont cherchez à déchiffrer. Une quête qui ne prend jamais fin, qui ne connait pas de réponse.

Nous nous instruisons sur son histoire, ses origines, ses racines. Savoir où nous posons les pieds, faisons rouler les roues.

Grand comme l'Europe, elle contient tous les reliefs, tous les climats : des contreforts de l'Himalaya aux récifs du cap sud, la rigueur du désert du Thar, la luxuriante jungle du Bengale.
Il arrive qu'il tombe un en jour de mousson autant d'eau qu'en deux ans à Paris !

PETITE CHRONOLOGIE INDIENNE

Vague après vague, un long déferlement de peuples étrangers succombent à sa magie, et peu à peu se mélangent avec les peuples déjà présents de la péninsule.

Ce n'est qu'au XVIIIème siècle que le secret du sanskrit est percé, et au XXème siècle que les fouilles relèvent les traces de civilisations vieilles de 4 millénaires.

Vers - 1500 Av. J-C, la lente migration de tribus nomades venues de l'Ouest apportent les VEDAS, les premiers écrits de la culture Hindoue.

Cinq siècles plus tard, les Aryas se mêlent à la population. De cette rencontre nait la culture Indienne actuelle (c'est à dire que ses fondements ont perdurés jusqu'à nous) et ses textes sacrés.

C'est cette culture qui résistera à tout pour nous parvenir.

En - 500, une nouvelle ère commence, avec la naissance de GAUTAMA BOUDHA, aux confins de l'Inde et du Népal. La philosophie de l'Inde va alors rayonner dans toute l'Asie, jusqu'en Méditerranée.

Franchissons les siècles jusqu'en 1000, où les Turcs islamisés déferlent jusque dans la vallée du Gange.

Vers 1500, l'empire MOGHOL domine toute l'Inde. La rencontre de l'Islam et de l'Hindouisme, d'abord violente, donne naissance à une culture plurielle.

Viennent enfin les Européens, Portugais, Hollandais, Anglais et deux cyclistes Français. Des dizaines d'années d'exploitation coloniale, de mutineries ... marquent le point de départ de la lutte pour l'indépendance, et la naissance de l'Union Indienne en 1947.

Une expérience démocratique qui se poursuit encore de nos jours.

Dernier fait d'importance, au XXIème siècle, deux cyclo-voyageurs Français décident de voir comment ça se passe là-bas…

Là-bas, où l'on parle plusieurs centaines de langues.

Là-bas, qui doit ressembler aux clichés complaisant de ceux "qui ne connaissent pas l'Inde", là-bas donc fait partit de notre patrimoine culturel : misère, saleté, foule oppressante, mariages arrangés, vaches sacrées, nourriture pimentée, ... et bien d'autres encore.

LE GREAT RANN OF KACHCHH (ou Kutch), immaculée conception de la nature…

C'est écrit comme ça sur les cartes, avec trois « H », mais prononcez-le comme vous voulez, nous ne vous en tiendrons pas rigueur.

Nous avons fait ce crochet de plusieurs centaines de kilomètres pour l'apprécier, lui ce fameux « Great Rann of Kachchh» ou elle, cette magnifique réserve naturelle.

Le paysage se mue en plaine aride puis en croute saline traversée par des lignes de haute tension.

Nous arrivons après la mousson, ce qui rend Kutch encore plus surréaliste, à moitié submergé dans l'eau. Plus tard dans l'année, il s'agit d'un tronçon gigantesque de sel blanc prêtant l'apparence d'un désert blanc.

Nous pensions aller jusqu'à la « capitale » du lieu, nommée Bhuj (les plus curieux pourront taper ce doux nom sur google map), mais un premier détour et escale autour de Lodrani (idem pour les curieux) nous a rempli suffisamment nos cartes SD pour se dire que nous allions économiser nos gambettes et prendre la poudre d'escampette vers Le Sud.

Le Sud … et toujours en été … LAAAAAA, la, la, la, LAAAAA, la, la, la, LAAAAA, ….

Ndrl : L'air chaud commence à taper sur le système des rédacteurs et rédactrices

Ndrl bis : Si les symptômes persistent, allez consulter le brahmane du coin-coin.

Même si cela nous a valu des temps de décrassage des freins devenus salinisés par l'occasion, nous ne regrettons pas cette aventure.

LA CARAVANE PASSE, LE CHAMEAU ABOIE

Nous apercevons au loin, dans ce décor curieux, une caravane Rabari. Nous reconnaissons ce peuple nomade aux costumes noirs des femmes et aux chameaux chargés d'un Katia (couchage traditionnel dont les côtés sont reliés par tressage).
La petite suite de chameaux, aux pas nonchalants, se fait doubler par les camions qui n'ont que faire d'une scène aussi anachronique.

La route est plate, le paysage est agréable, les petites routes empruntées nous mènent en campagne, les villages sont réguliers au milieu des champs agricoles. L'agriculture est représentée sous toutes ses formes, champs de blé, de canne à sucre, de manioc, de riz, de coton…

AU CŒUR D'UN KALEIDOSCOPE ETHNIQUE

L'héritage et le talent architectural raffiné de l'empire Moghol au XVI et XVII siècle ne se sont pas étendus jusqu'ici. Quelques huttes, jalonnent la route de loin en loin. Elles ne sont jamais plus de deux ou trois à la fois, bâties près d'une pognée d'arbres tordus, signe qu'un point d'eau est pas loin. Comment vivent ces gens ? Et de quoi ? On aperçoit parfois une de leurs silhouettes fantomatique, rendue floue par le vent et le soleil.

Les Bhils, l'une des plus importantes tribus aborigènes de l'Inde, sont établis au Gujarat. Réputés pour leur adresse au tir à l'arc et leur courage au combat, ils furent associés à toutes les luttes du maharana Pratap Singh contre les Moghols. La magie et la sorcellerie continuent d'imprégner fortement leurs rites. Peut-être en font-ils parti ?

Encore d'autres tenues croisées le long des routes :

Voici le brahmane (prêtre du coin), aux allures de Raëlien-jésuite à la sauce au curry.

On dirait un cheval !

Le Gujarat Hormis le Kutch a finalement peu de réelles attractions touristiques. Du coup, il conserve un accueil complètement désintéressés. Cela fait plaisir après les zones touristiques autour de Jaisalmer où nous avons connu l'éventail de suce-pognons au grand complet!

Les gens sont souriants et agréables, ne refusant jamais de nous aider.

NAVRATRI : Un bal folk à la sauce Indienne

Navratri (littéralement « neuf nuits ») est une fête hindoue qui célèbre, durant neuf nuits et dix jours, des formes diverses de déesses, regroupées sous le nom de Shakti, l'énergie féminine divine. Elle est divisée en groupes de trois jours d'adoration, les fidèles recherchant la bénédiction des trois aspects de l'énergie féminine divine. Les trois derniers jours sont dédiés à l'adoration de la déesse de la sagesse, Sarasvatî, afin de connaître tous les succès dans la vie. C'est aussi une période d'introspection et de purification, et c'est traditionnellement une époque propice au lancement de nouvelles entreprises.

Nous nous retrouvons dans un petit village de quelques centaines d'habitants pour la fin de cette fête. Lors de notre arrivée en fin d'après-midi, un des instituteurs de l'école nous propose de planter la tente dans la cour de l'école. Le lendemain, nous devenons vite l'attraction de ce village endormi par les vacances scolaires (et oui, c'est leur « Noël », alors 20 jours de vacances gagnés !).

Le Ravanhattha met l'ambiance ;)

Le chef du village vient nous rendre visite ! (celui qui à l'instrument ;))

Explication du parcours, des vélos, des dessins, …

La salle de classe

Dans l'État du Gujarat, Navrati est célébrée avec une danse traditionnelle appelée Garbâ, lors de laquelle les femmes évoluent en cercle et chantent en chœur. Chaque village possède sa propre variante de la danse. Ici, les hommes et les femmes alternent leur moment de danse qui dure entre 30 et 45 min ! Il faut tenir le rythme !

Danse exclusivement masculine où tour à tour chaque danseur tape tantôt sur le bâton du danseur de devant, tantôt sur celui de derrière :

Tout autour du cercle de danse, les habitants se regroupent par affinité : les femmes et les enfants, les hommes et les personnes âgées. Ils ne se mélangent pas.

Nous nous retrouvons alors chacun son tour à danser autour de la statue de Sarasvatî et de photo accompagnés par deux chanteurs dont souvent des enfants de l'école. C'est un honneur pour eux de pouvoir chanter à cette occasion.

La danse ressemble, pour nes lecteurs « tradeux », à la 1ère partie d'une bourrée 2 temps en cercle. D'ailleurs, on se retrouve à un danser une à la fin de leur fête accompagnée par leur tambour !

LITTLE RANN

Nous longeons la réserve du Little Rann of Kutch qui est un désert de 5000 km carré où les paysans extraient du sel (30% de la production totale de l'Inde). On ne peut voir que les nombreux et immenses tas de sel cristallisés en bordure du désert car l'extraction proprement dite se fait entre novembre et mars.

En 1819, un tremblement de terre si puissant qu'il a dévié le cours de l'Hindus, a transformé la géologie de Kutchch et marqué son histoire.

La réserve est surtout réputée pour abriter les derniers « Wild ass », sortes de zèbres sans zébrures. Autrefois présents de la Perse à l'Inde de l'Ouest, on compte aujourd'hui environ 5000 « Wild Ass » au Gujarat et au Rajasthan, dont environ 4000 spécimens dans le sanctuaire.

Mais nous ne nous aventurons pas assez au cœur de la réserve pour en voir. Nous restons sur la grande route qui contourne cette zone pour rejoindre Vadodara et peu après, la côte de la Mer d'Arabie !

La savane de buissons à répétition rappel l'Afrique. Des ânes sauvages ainsi que d'innombrables oiseaux – aigrettes, flamant roses, grues, ibis noir… convergent vers les étendues d'eau où les bouviers mènent leurs buffles.

L'immensité paisible est contrariée par les « chokodos », bolide rustique des paysans du coin, fruit de l'union singulière entre une benne et un motoculteur.

Bombay, on arrive !!!!

LE JOYEU FOUTOIR DES NATIONALES

Après ces journées ensoleillées par les nouveaux paysages, nous rejoignons à nouveau une grande nationale qui mène vers le sud. L'intérêt pittoresque n'est pas des plus forts, nous enchainons les kilomètres au rythme de notre mp3.

C'est une 2x3 voies où la bande de gauche sert de route locale à double sens, parfois on se demande même si on roule bien à gauche. Elle est utilisée par les vélos, les charrettes, les piétons, les motos et aussi par les animaux...
Nous y avons même vu un camion en contre-sens !!!! (voir photo plus bas).

C'est un joyeux foutoir. Le klaxon est roi, les accotements sont souvent couverts de déchets mais il y a des restos-route où l'on mange bien pour pas cher.
Pi surtout, on roule vite, 22 Km/h de moyenne, parfois plus.
Nous avalons les kilomètres.

Le problème est un peu comparable au système de castes: plus t'es gros (piéton<cycliste<mobylette<moto<voiture<camion<bus) plus les autres doivent se bouger à ton approche, même si tu roules à contre sens...

Les camions et surtout les bus roulent comme des dingues. Alexandre Poussin et Sylvain Tesson racontent dans leur livre qu'ils ont vu un cycliste se faire tuer par un camion devant eux, comme quoi ça arrive, et apparemment ça n'émeut pas grand monde ! Bien sûr, le croisement d'un camion ou d'un bus (toujours surchargés) est au profit du plus gros ou du plus "gonflé": petit cyclo tu n'as qu'à te ranger. Le plus dangereux c'est quand un camion te dépasse et qu'il en croise un autre en même temps: pas de place pour 3!

Les vaches, toujours elles, s'agglutinent au bord de la route, sur l'espace que nous disputons déjà aux camions.
Sans doute pour que le souffle des machines chassent leurs mouches ?

Un camion parmi tant d'autres à contre-sens ! Et ça ne semble déranger personne …

Pas que des camions, des chars-à-bœufs aussi …

Ils sont forts ces Indiens ;)

Nous rencontrons aussi un gars à vélo qui pédale pour le défunt Sai Baba, de son vrai nom Sathyanarayana Raju. Ce maître spirituel est considéré comme un dieu vivant en Inde et se présentait comme un avatar capable d'accomplir de nombreux miracles. D'importantes controverses existent depuis le temps de son vivant car il n'accepta jamais d'accomplir ses miracles sous la surveillance de médecins rationalistes qui le qualifiait plutôt comme un charlatan illusionniste. Apparemment, ce cycliste partait ou venais de Bombay et il avait parcouru au moins 500 km en 5 jours, à moins qu'il ne lui faille 5 jours pour rejoindre Bombay qui se trouve à 5 km.. Bref, nous avons rencontré un gars qui faisait du vélo pour un soi-disant demi-dieu.

Il fait toujours très chaud, entre 38 et 40 degrés. Chaque soir, nous attendons que la fraicheur du désert vienne en même temps que la nuit.

Mais, nous sommes en forme, la route est bonne avec une légère brise dorsale… nous parcourons en moyenne 70 à 80 Km par jour.
C'est environ 15 à 20 Km de plus qu'au début du voyage.
Même si nous le pouvons, nous évitons d'en faire d'avantage, car nous avons appris qu'il fallait respecter son corps, s'abstenir d'aller au delà de certaines limites, et s'arrêter avant d'être (trop) fatigué !!!
Bien sûr, pour faire avancer la machine il faut pédaler, mais il faut surtout de la motivation. Sans dopage, excepté les nombreuses bananes que nous ingurgitons matin et soir. Manger et boire avant d'avoir faim ou soif, tel sont les consignes.

Temple du Soleil à Borsad ou un gros gâteau à la crème qui ne se mange pas.

Un arbre sacré.

Dans la série de ce qu'on a pas dit à nos parents, la nuit arrive de plus en plus tôt avec l'hiver et nous nous retrouvons à rouler de nuit sur une Nationale qui ressemble de très près à une autoroute. Ce n'a pas été la meilleur idée de notre vie !

Le contact avec les Indiens est facile, par contre l'apprentissage des langues est difficile. Chaque région utilise une langue différente, l'hindi et l'anglais sont les langues officielles mais il en existe 21 autres reconnues par le gouvernement. Dans tout se mélange, nous sommes perdus, l'anglais est le moyen le plus facile pour nous de communiquer!

Sur le chemin, on rencontre des gens vraiment sympas qui nous invitent pour le thé, pour manger, parfois même pour la nuit, dommage que ça ne soit pas toujours au bon endroit ou au bon moment.

En nous rapprochant du sud, petit à petit, les gens sont de plus en plus curieux, les rassemblements autour de nos vélos sont réguliers, 30 … 40 personnes nous observent les yeux grand ouverts! Les vélos sont la plus grande curiosité! Et nous aussi, quoiqu'on fasse : demande d'information, repas, sieste, …

L'Inde est aussi le 2ème pays le plus peuplé au monde après la Chine et nous le ressentons chaque jour de plus en plus. Il n'y a plus de villages mais des villes, la population commence à être dense!

Des scènes de ménages !

LE VOYAGE A VELO, C'EST PAS DES VACANCES

Un mythe s'effondre… NOUS NE SOMMES PAS EN VACANCES ;)

Nous ne vivons pas ce voyage comme une « étape » entre deux périodes de travail.

Ce n'est pas une fuite non plus. Nous n'avons pas tout quitté dans un moment de folie intense ou de désespoir profond pour reprendre à zéro au retour.

Ce moment de baroudage fait partie intégrante de notre vie. Elle nous construit, nous ouvre, nous aide à mieux comprendre comment le reste du monde fonctionne, et par la même occasion, à mieux nous connaître, nous découvrir.

A la fois, une expérience individuelle et une expérience commune, partagée par les deux protagonistes.

Mélange d'un face à soi renforcé par la perte des repères et d'un face à face avec l'autre corps voyageur.

C'est un trop riche accomplissement pour n'être qu'une « parenthèse » dans notre vie.

Parfois, nous avons même l'impression de ne pas avoir assez de temps pour composer de la musique, jouer du Ravanhattha, dessiner, faire la sieste, pédaler, faire des cartes postales/aquarelles, échanger des nouvelles avec nos proches, écrire notre newsletter … et continuer à avancer sur notre route.

Nous choisissons alors où faire des pauses plus longues pour se mettre à jour.

Une famille particulièrement accueillante mais qui nous laisse suffisamment d'indépendance pour pouvoir rester 3h devant un ordinateur sans aller visiter tous les temples du coin, un lieu riche culturellement pour pouvoir alterner visites et périodes autistiques devant une newsletter ou une feuille de dessin, …

Généralement, après 4 à 5 jours de pédalage, une journée de repos est nécessaire, et des pauses de 3-4 jours, voire plus, sont nécessaires toutes les 2 à 3 semaines.

Et puis, quand il fait 40 degrés, on se fait des Grandes Pauses repas. On essaye de partir à la fraiche vers 8h, de pédaler jusque vers 12-13h et on ne redécole (c'est une image, on ne pédale pas encore assez vite pour ça) généralement pas avant 16-17h, ce qui nous laisse une heure pour manger, une pour dormir, et deux pour dessiner, écrire de la newsletteur, bouquiner, … presque tous les jours ;)

Le plus dur est de redémarrer suffisamment tôt pour ne pas finir les derniers kilomètres de nuit … même si nous apprécions grandement cette fraicheur inespérée, elle est parfois un peu risquée …

La nourriture a souvent l'allure de bouillie. On patouille, on malaxe, on tapote.
Autant dire que l'on adore.
Nous mangeons avec la main droite, rompant la galette en morceau pour s'en servir de cuillère pour saisir le ragout liquide.
En France on teste la température des aliments avec les lèvres, et leur texture avec la langue. En Inde on découvre avec les doigts avant la bouche. C'est perturbant mais amusant.
On se régale de ce bon repas. C'est quoi un bon repas ? Quand il satisfait l'estomac et la tête. Celui-ci en est un.

UN INDIEN DANS LA VILLE

Depuis notre sortie de l'Himalaya, nous avons croisé de nombreuses villes « de la plaine », de taille plus conséquente que celles des montagnes donc.

La surprise est à chaque fois au rendez-vous.

Vaches, camions, chèvres, voitures, charrettes se mélangent indistinctement.

Il nous a fallu un certain temps de maturation pour mettre le doigt sur une des caractéristiques essentielles qui fait qu'une ville en Inde est une « Ville Indienne » et ne ressemble à aucune autre.

La ville est simplement un village, autrefois campagnard avec ses animaux, ses petits commerces, sa lessive sur le bord de la route, les égouts à l'air libre, …, qui a grossi de manière complètement anarchique.

Aucun plan d'expansion n'a été anticipé. Les maisons se construisent au fur et à mesure, là où il y a de la place.

C'est une ferme à l'échelle de Marseille (ou Lyon, pour ne pas faire de jaloux !).

Les animaux étaient là. Ils le sont toujours.

Les vaches, les fameuses vaches.
Maigres et blanches, réduite à l'os, couchés à côté des étalages de fruits, au milieu des voitures, partout.
La vache est sacrée et à tous les droits, elle représente la mère de l'univers…

L'inde est le 1er producteur de lait, mais aussi le 1er consommateur. Et de nombreuses familles gardent des vaches pour la vente de son lait.

Même s'ils habitent en ville.

Ils laissent alors ces Mesdames gambader où bon leur semble pendant la journée, car si elles ne bougent pas, le lait deviendrait gras, puis les récupèrent chaque matin et soir pour la traite, à moins qu'elles ne rentrent toutes seules à la maison, … !

Qu'elles mangent les poubelles à longueur de journée ne semble pas les déranger par contre. Une activité régulière est plus importante que ce qu'elles ingurgitent !

Alors, même si illégales en villes, elles sont activités de commerce, alors tolérés et bien présentes.

Les plages, on arrive !!

Des palmiers, des palmiers, des palmiers, ahhhhhhhhhhhhh, des palmiers, des palmiers, des palmiers !!!!

Avec les palmiers, les fruits qui vont avec !

ETAPES DE LUXE DANS LES GROSSES VILLES COTIERES : Vododara, Surat, Silvassa…

Après le déclin des Moghols, les Marathes Gaekwads ont établis Vadodara comme leur capitale. La côte s'est depuis développé sur quelques centaines de kilomètres jusqu'à Bombay, nous offrant une belle nationale reliant quelques grosses villes, dont les plus petites font déjà la taille de Lyon !

Retour à la civilisation, via les embouteillages, les grosses routes qui se frayent un passage à travers quartiers traditionnels et gratte-ciels, les transports en commun… Villes cosmopolites, dynamiques, en perpétuelle construction.

Des quartiers plus modernes s'accolent au vieux centre.

Ces étapes, en plus de proposer une fusion parfaite entre le passé et le présent (comprendre des temples à visiter et des supermarchés pour acheter du Nutella ou un lecteur MP3 perdu par Jérémie) nous permettent d'être hébergés par de supers contacts chez qui nous profitons du calme.

Nous logeons la plupart du temps au près de familles Indiennes qui à chaque fois veulent nous montrer le meilleur du meilleur de leur patelin. Il est alors difficile pour nous de refuser d'aller faire 2h de bouchon pour faire le tour de la ville en voiture pour voir le cimetière en ruine, le Palais machintruc, le coucher du soleil, etc.

Un temple à Valsad :

C'est au cours d'une de ces visite que Nathalie est victime d'une « écœurantite » de temple. Elle préfère aller photographier les palmiers qui lui renvoient beaucoup plus de charme qu'une énième histoire tirée par les cheveux d'un dieu qui en a rencontré un autre qui s'est fait couper la tête pour finalement se la faire remplacer par celle d'un éléphant ou d'un singe suivant les versions.

Des caprices de Dieux pour nous autres franchouillards.

Un des premières maisons décorées à l'intérieur. D'habitude, les murs sont plutôt laissés à nu ou à la rigueur, une photo d'un des dieux … La notion de « décoration d'intérieur » n'existe que chez les « hautes classes ». Le confort aussi.

Nous goutons à la fabuleuse nourriture du Gujarat : merveilleux mélange entre sucré et salé. Comme de partout en Inde, la variété des plats est incroyable ! Ils peuvent avoir un plat différent pour les 365 jours de l'année !!!

Par exemple le petit déjeuner sucré  s'appel « dhalia » et c'est excellent !

Nous avons toujours du mal à se laisser servir mais si comme nous vous êtes invité à un repas, oubliez vos manières d'Européen et évitez de vous proposer pour mettre le couvert ou préparer à manger ; c'est offensant pour la famille qui vous accueille. Et, c'est un honneur pour eux d'avoir des invités.

Un repas chez la famille qui nous accueille à Valsad

Certains d'entre eux convient tous leurs amis pour que l'on passe la soirée avec eux. C'est alors pour nous l'occasion de débattre des enjeux politiques actuels, des conditions de la vie quotidienne et de bien d'autres sujets habituellement peu abordés car leur anglais est excellent (bien meilleur que le notre !). La plupart sont de la caste des Brahmanes (la plus élevée si vous vous rappelez bien) et sont médecins, architectes, ingénieurs, chirurgiens, … Ces gens de la « haute société » ont très souvent voyagé aux Etats-Unis et/ou en Europe. Nous le sentons à leur ouverture d'esprit, mis à part la question religieuse qu'ils s'abstiennent généralement de nous poser.

Nous sommes une trentaine à être invité autour de petits sandwichs et autre petits fours. Du pur style occidental. Les invités portent des vraies chaussures, pas des tongs comme la majorité des gens.

Certains sont athées, marxistes et critiques vis-à-vis du gouvernement actuel mais on en a rencontrés que 2 ou 3 depuis le début de notre voyage, dont cette famille à Vapi :

La plupart des Hindoues sont pro-Modi, l'actuel chef du gouvernement.

QUI NE MODI, consent ….
Ou
MODI, le président nationaliste d'extrême droite qui hypnotise l'Inde...

Cette affiche porte un drapeau représentant une fleur de lotus sur un fond orange avec une bande verte sur la gauche. C'est l'emblème du BJP, le parti hindou d'extrême droite.
Narendra Modi, son leader, a remporté les élections nationales pas longtemps avant notre arrivée. Il ne propose rien de révolutionnaire hormis le vieux chauvinisme et de l'intégrisme religieux. L'étiquette annonce « Dieu, patrie et justice. Vive Ram ! ».
Tout un programme.

L'Inde, « la plus grande démocratie du monde », est à l'aube d'une nouvelle orientation politique marquée par le conservatisme et l'ultra-nationalisme.

Modi est la fierté du Gujarat, son état d'origine.

Leader du mouvement natinaliste BJP, c'est une figure très controversée, notamment pour sa gestion des violences inter-communautaires au Gujarat en 2002 et son discours islamophobe...

Enflammant les tensions et retardant les mesures nécessaires, Modi est accusé par les organisations de défense des droits de l'homme d'avoir facilité la vague de violences antimusulmanes qui s'est répandue à travers le Gujarat et fait environ 2 000 morts et plusieurs milliers de blessés. L'administration de l'État du Gujarat est accusé d'avoir approuvé les violences, mais surtout d'avoir instauré un climat de "no mans land" pendant 3 jours garantissant que les règlements de comptes ne seraient pas poursuivit en justice...

Une belle tentative de génocide blanchie par le tribunal Indien....

Cette nuit là, les bus déversent dans l'aube brumeuse des hordes d'extrémistes hindous armés de torches et de sabres, l'incrédulité puis la terreur s'installe, les femmes violées, les hommes brûlés vifs, les enfants massacrés...

Autocrate aussi charismatique que mégalomane, il est véritablement adulé par une grande majorité en Inde.

Presque toutes nos rencontres l'adorent ...

Modi a de quoi les séduire.

Selon la presse officielle, il a enregistré 10% de croissance en moyenne depuis dix ans dans l'état du Gujarat, taillé dans la jungle de la bureaucratie, mis fin aux pots-de-vin à tous les étages et jalonné le Gujarat de signes criants de progrès : il a les meilleures routes d'Inde et c'est le seul Etat sans coupures de courant. Tata, Colgate, Hitachi, Ford... Les investisseurs se pressent sur ses terres.

Pourtant « son bilan économique est un mythe », fulmine Christophe Jaffrelot, chercheur au Centre d'Etudes et de Recherches internationales (Ceri) : "Non seulement le Gujarat était un Etat industriel bien avant lui, mais il a fait des ponts d'or aux investisseurs en bradant ses terres et en distribuant des subventions et il s'est offert une croissance à crédit."

La richesse avant la démocratie : c'est désormais la devise de la classe moyenne en pleine croissance en Inde qui n'a pas connu la lutte pour l'indépendance ...

Le BJP suggère que les noms de ville à consonance musulmanes soient rebaptisés. Il réclame la démolition des mosquées bâties sur l'emplacement de temples hindous il y a des siècles. Il est obnubilé par les travailleurs qui viennent du Bangladesh, désire instaurer une nation hindoue pure où l'alcool et la viande de vache seraient prohibés. Suppression de l'anglais pour promouvoir l'Hindi. Certes c'est une langue coloniale, mais une ouverture sur le monde aussi. Ils revendiquent bien sûr la supériorité Aryenne, affirme la théorie des races … Cela fait froid dans le dos, et ils sont au pouvoir.

Au pouvoir de 1 milliard 300 000 hommes. 18% de la population du globe.

Ici, les flics épaulent les activistes du BJP. Dans la constitution indienne, la police soutient le pouvoir en place. Point.

Le BJP contrôle la police, voilà l'Inde.

Les chiens kaki. C'est comme ça que l'on parle des flics. Chiens parce qu'ils sont brutaux, serviles et corrompus. Kaki pour la couleur de leur uniforme.

En Inde, ils ne respectent pas la loi. Sauf celle du plus fort. Le chien kaki est celui qui extorque des sous pour que vous déposiez une plainte, celui qui rackette le commerçant pour sa protection, celui qui frappe les mendiants à coups de bâton, celui qui protège les criminels contre des pots-de-vin. La routine. Ils recrutent parmi les brahmanes, prêtres,  guerriers et les castes supérieures pour pouvoir assoir leur autorité.

On ne peut pas réduire l'Inde à ce parti mais il représente la majorité actuelle. Et comme dans bien d'endroits dans le monde, certains faits plus ou moins gênants comme ceux énoncés ci-dessus sont bien souvent occultés ou inconnus des votants.

De retour à des histoires un peu plus douces …

Rituel qui se produit tous les soirs chez les nombreuses familles Hindoues qui nous hébergent

Et puis après, on va au resto !

Les gens préparent Divali (sorte de « Noël Indien » dont vous en saurez plus le mois prochain). Là, ceux sont de très très bons petits gâteaux fait maison : on vous en parle dans le prochain reportage ;)

Et entre deux grosses villes, des petits marchés ! La mer n'est pas si loin, le poisson abonde

Des photos de famille chez qui nous passons une soirée ou plus

Le cimetière Anglais à Surat :

L'HABIT FAIT LE BRAHMANE

Tous ces gens fortunés appartiennent aux castes « nobles » de l'Inde, souvent des brahmanes.
Nous ne l'avons pas choisit, mais le système Indien est ainsi, une sélection » naturelle » qui fait que les gens riches appartiennent aux castes « nobles ».
Peut-on traverser l'Inde sans s'interroger sur le système de castes ? Qui fait qu'aujourd'hui comme hier que la société Indienne ne ressemble à aucune autre ?
Tout Hindou appartient à une caste. La caste est sa famille, son horizon, elle est un fait acquis à la naissance, et l'idée d'en changer n'a aucun sens. Comment changer de père et de mère ?

On a souvent lu que la société Indienne est divisée en quatre castes.
Les Varnas, selon un principe hiérarchique établit depuis des temps très anciens ceci :

  • Les brahmanes, prêtres et hommes de textes.
  • Les kshatriyas, guerriers, princes et rois.
  • Les vaishyas, qui s'occupent du commerce et des finances.
  • Les shudras, chargés des travaux manuels, et au service des castes précédentes.

Difficile à comprendre, ce système inégalitaire qui choque tant d'étrangers, peut difficilement être jugé d'après notre unique vision du monde.

La grande question n'est pas tant celle des castes, nous semble-t-il, mais celle des exclus du système. Les "intouchables", qu'on appelle désormais "dalits". Ils accomplissant les taches impures: balayeur, éboueurs, cordonniers (car ils manipulent les dépouille d'animaux mort sous forme de cuir)... Ils sont depuis des siècles les damnés de la terre, les parias. Ils sont maltraités et méprisés par les hindou "de caste". Depuis l'indépendance, l'inde a entreprit un gros travail d'abolition des inégalités fondées sur les différences entre castes, et fait un effort pour intégrer les opprimés, intouchables et aborigènes. La "discrimination positive" existe ici aussi, et a un peu amélioré les choses (places dans les écoles, emplois publics...). Ce n'est pas rare, mais ce n'est pas commun non plus. Dans les grandes villes, les cantines et les moyens de transports sont communs depuis l'indépendance, et de plus en plus de places administratrices, certaines haut placés, sont occupées par des dalits et des femmes. Les campagnes et les régions reculées sont encore en "retard"...

Malgré son abolition "administrative", le système de caste est lié aux croyances religieuses, aux fameux "karmas" (les cycles de réincarnation) qui considère qu'en fonction des actions accomplies, on renait dans une caste plus ou moins élevés... Tant que cette croyance persiste, et qu'elle n'est pas le fruit de la volonté d'une minorité d'imposer la soumission à une majorité oppressée, les choses changeront difficilement.

Officiellement, toutes les castes « élevées » sont contre ce système de caste et nous disent du fond du cœur qu'ils le regrettent. Mais tous leurs domestiques sont des intouchables, et leurs fréquentation des gens de castes « pures »….

TANT QUE LES BRAHMANES MENENT LA DANSE…

Croire au pouvoir des brahmanes, c'est croire en l'inégalité entre les hommes.
Il faut remonter à la source. L'absence de droits de l'homme nait du castéisme, et donc de l'hindouisme. C'est un système social qui empoisonne des hommes sous couvert d'un ordre divin.

Beaucoup de touristes n'y voient que du feu. Ils combattent le racisme, mais considèrent que le castéisme fait partie du patrimoine culturel Indien, comme le Taj Mahal. De plus, il y a une fascination pour la civilisation brahmanique, et un dégout pour les mendiants, les lépreux.

Excuse-t-on l'antisémitisme sous prétexte qu'il fait partie du patrimoine allemand ? On peut toujours tout justifier.

L'hindouisme rend égoïste. C'est une religion cruelle, inégalitaire et immensément individualiste. Elle définit les devoirs de chacun vis-à-vis de dieu, une sorte de contrat personnel de caste avec un soi disant prétendu ordre universel. Ce qui doit arriver arrivera, chacun pour soi, nous méritons ce que nous avons.

C'est pourquoi de nombreux intouchables se convertissent au bouddhisme ou à l'islam.

Les hautes castes ne craignent qu'une chose, c'est que le pouvoir traditionnel s'effrite et qu'ils perdent leurs privilèges. Un peu comme les blancs d'Afrique du sud qui refusaient l'apartheid. La différence, c'est qu'ici l'origine de la hiérarchie est religieuse, et les basses castes ne se rebellent pas contre la religion.

Des mesures gouvernementales sont prises pour les castes défavorisées : quelques bourses, quelques quotas dans le fonctionnariat, quelques réformes, mais c'est un verre d'eau dans l'océan pour avoir bonne conscience.

Tant que les brahmanes mènent la danse…

Les brahmanes créent chez les fidèles le désir de devenir dans une future vie brahmanes, et menacent de devenir intouchables. En tant que brahmanes, ils doivent punir les intouchables pour améliorer leur karma.

Cette expérience ne fait qu'alimenter notre haine des soutanes, des culs bénits et des apôtres, des saints et des curés, quelque soit la couleur de la soutane : blanche, noire, safran ou marron.

Quand il n'y aura plus de misère, il n'y aura plus besoin de religions.

ESCALE ORDINAIRE CHEZ DES FRANÇAIS

Nous restons aussi quelques jours à Vadodara chez des expatriés français. Nos hôtes, Louis et Julien, travaillent dans une grosse entreprise française en partenariat avec l'Inde. Un autre monde s'ouvre à nous alors : restaurant aux prix quadruplés, karting, piscine, saucisson, cubis de vin et fromage. Vous imaginez, du vrai Fromage, tout droit revenu de France !

Et femmes de ménages qui n'ont pas encore atteint les 18 ans. Cela gène profondément nos hôtes mais ce service est servi avec le « pack expatriés » fourni par l'entreprise avec laquelle ils travaillent.

Nous profitons pleinement d'être dans un « vrai » appartement, propre, confortable et calme. Un logement simple pour un français lambda. Un standing haut de gamme ici.

Les finitions coûtent le prix fort.

Le système « D » et le rafistolage sont de rigueur.

Un exemple pour vous expliquer l'affaire. Notre hôte voulant installer internet, demande à une entreprise locale de venir l'installer. Après plusieurs lapins, le gars responsable de l'installation arrive finalement 2h après le rendez-vous fixé et s'installe confortablement dans le canapé. Maintenant un peu habitué aux coutumes locales, notre hôte prend les devant et le questionne sur son mode d'installation, les informations ne venant pas spontanément. Il répond qu'il va faire passer le câble par la fenêtre pour qu'il traverse le salon afin de rejoindre l'autre côté du salon où se trouve la box (comprendre le modem pour qu'internet marche). Cela ne semble pas le gêner outre mesure qu'une fenêtre doive rester constamment ouverte pour cela ni qu'un fil passe en plein milieu du salon.

Il faudra la soirée entière à notre hôte pour négocier avec lui afin d'envisager une autre solution.

Nos hôtes nous racontent aussi comment cela se passe à l'usine où ils travaillent. Bonne partie de rigolade. 

Suite à la consigne par exemple de construire un engin parfaitement cylindrique de 22 cm avec +/- 0,5mm de marge d'erreur, la machine construite fait finalement 34 cm. Le responsable demande alors au français « ça va comme ça ? ».

A la 2ème tentative, la machine fait 30cm mais elle est devenue conique. Après plusieurs autres tentatives, toutes plus ou moins échouées, la solution envisagée est alors … de « faire avec » ! Changer les plans, modeler les autres pièces en fonction de celle-là, etc, …

Leur travail en Inde en devient passionnant tellement l'insoupçonné peut surgir d'un instant à l'autre. Rien n'est prévisible. En France, ce même travail devient routinier et presque lassant car de telles erreurs ne sont pas tolérées. Elles n'existent tout simplement pas.

Nous commençons à comprendre pourquoi les autres maisons, les routes et toutes les infrastructures paraissent si négligées …

Ils pourraient faire autrement mais cela demande plus de temps, plus de concertation, plus d'effort. Le calme, le propre, le finit deviennent un luxe.

Quelques vues de Vadodara :

NATHALIE PART EN QUETE D'UN MAILLOT DE BAIN

L'attrait des plages à venir est trop fort, elle aimerait bien se trouver un maillot de bain. Quelle mission, même à Vadodara pourtant une grosse ville !!

Le 1er magasin lui montre un maillot qui ressemble de très près à un justaucorps de GRS (comprendre Gymnastique Rythmique et Sportive), c'est à dire un justaucorps de danse classique avec une mini jupette intégrée.

L'optimisme du départ se refroidi assez rapidement.

Après cette 1ère trouvaille, Nathalie demande innocemment ; « Vous auriez un maillot 2 pièces ? », voilà ce que le vendeur lui propose, « deux pièces » voulant dire « avec un pantalon en plus »….
C'est pas gagné !

Plusieurs magasins après, Nathalie laisse tomber !

Quant à Jérémie, après 2 mois et demi de bons et loyaux services, même si on aime se fondre dans la culture locale, Jérémie cède et le jette à la poubelle :

MISERE, MISERE

Qui dit grosse ville, dit aussi bidonville … malheureusement, on en voit de plus en plus souvent :

Aux abords des villes, des montagnes de déchets s'accumulent. Un repère pour les animaux, mais aussi pour les humains en quête d'un peu de nourriture, d'appareils encore réutilisables ou à réparer, à troquer, … le commerce des pauvres.

Pour une grande part, la société Indienne est d'une indigence extrême. Une dose de shampoing est un luxe, l'huile comestible se vend au centilitre, la cigarette à l'unité. 40% vit en dessous du seuil de pauvreté. Les Indiens pauvres le sont vraiment. Ils ne possèdent que leurs corps. Ce ne sont ni des smicards, ni des RMIstes qui peuvent s'acheter de la nourriture, avoir une télé, louer un petit appartement…

CES ENFANTS QUI TRAVAILLENT

60 millions d'enfants travaillent en Inde, dont 10 millions en servitude.

Selon l'UNICEF, 14% des enfants âgés de 5 à 14 ans travaillent en Inde (chiffres 2000).

Nous en rencontrons régulièrement : dans les restaurants au service, en cuisine, dans les petits commerces, dans les familles au service des parents. Très souvent, on les voit travailler le matin, puis partir à l'école et reprendre le travail jusque tard le soir.

Quand ils peuvent aller à l'école.

Dans les familles les plus pauvres, certains enfants sont « sacrifiés » pour que les autres puissent être éduqués. Le nombre d'enfant est alors beaucoup plus important (4 à 6 par couple) que dans les familles plus aisées (1 à 2 enfant par couple). Le manque de contraception est aussi probablement une des causes du si grand nombre d'enfant, mais c'est un autre sujet.

Nos appréhensions d'avant le voyage se trouvent modifiées. Ce n'est pas le statut des femmes qui est le plus à plaindre. Même s'il n'est pas excellent non plus, ne nous méprenons pas.

Pourquoi les enfants travaillent-ils en Inde ?

  • La pauvreté est la cause principale du travail des enfants ;
  • les enfants cherchent à subvenir à leurs besoins vitaux et à ceux de la famille (ou pour s'émanciper) ;
  • ils représentent une main d'œuvre docile et lucrative.

Que font-ils ?
Travailleurs dans l'industrie (mine, poterie, feux d'artifice, allumettes, cigarettes), l'agriculture (ferme, rizière, plantation, pèche), les briqueteries, les ateliers, les manufactures (notamment de tissage) ou encore vendeurs de rue, domestiques (s'occuper des frères et sœur, cuisiner, aller chercher de l'eau, faire le ménage, …), cireur de chaussure… les enfants travaillent dans de très nombreux secteurs d'activité. Mais aussi exploitation sexuelle et tourisme sexuel pour 400 00 d'entres eux.

Quelles sont leurs conditions de travail ? Les enfants travaillent sans vrai salaire, sans contrat, sans Droits :

  • des journées de travail de 15 heures et plus ;
  • une très faible rémunération ;
  • les 3 premières années, sous prétexte d'apprentissage, les enfants ne sont pas payés ;
  • les enfants sont victimes de violences (coups, tortures, emprisonnements, privations de nourriture, etc.)… parfois les enfants sont enchaînés aux métiers à tisser pour qu'ils ne puissent pas s'enfuir.

Que fait l'Etat Indien contre le travail des enfants ?

  • Le travail des enfants est interdit en Inde depuis 1986. Mais la loi est peu respectée, en témoigne l'ampleur du problème et rien n'est fait pour faire valoir le statut d'ouvrier par rapport à celui d'une simple aide, non protégée par la loi.
  • Généralement l'âge légal pour travailler est de 14 ans.
  • La loi prévoit une peine de prison allant de 3 mois à 1 année et/ou une amende entre 10'000 et 20'000 roupies (environ entre 150 et 300 euros).

Chez nos hôtes français à Vadodara

L'INDE PEUT-S'AVERER EXASPERANTE

Après trois mois passé en Inde, nous vérifions que cette région du monde s'avère exceptionnellement riche en expérience pour nous autre étranger.

Avec sa capacité à susciter exaltation, frustration et tout à la fois frissons de joie et malaise, l'Inde est parfois difficile à supporter. La pauvreté est confondante, la bureaucratie exaspérante, la surpopulation et les bousculades rendent épique la plus simple des tâches. L'inde nous bouscule jusqu'au plus profond de notre être. Malgré l'expérience du voyage et des situations difficiles, Jérémie arrive plusieurs fois à saturation. Nathalie aussi. Certains jours nous oscillons entre amour et haine. Quoiqu'il en soit, nous nous nourrissons de souvenirs inoubliables.

Le chaos des véhicules nous reprend dans son flux. Voitures, bus, camions, vaches, chiens et buffles… Les ennemis du cyclotouriste en Inde sont nombreux.

Jérémie adopte un style offensif, tandis que Nathalie lâche quelques jurons aussi pimentés que les plats locaux. L'inde se voyage comme elle se vit ; frénétiquement.

La chaleur rend le trafic encore plus dingue.

Nous avons également eu un peu de mal à accepter la saleté. On se rend compte combien les villages bouddhistes des montagnes étaient extrêmement propres. A peine sortis du désert, les ordures, les odeurs, les crachats ont fait leur réapparition. Comme s'il nous avait fallu ces quelques mois pour nous apercevoir de l'omniprésence de la saleté en Inde. Saleté tolérable qui jusque là ne nous avait pas plus choqué que ça…

Lors de nos demandes d'itinéraire, les Indiens nous répondent souvent en effectuant un signe latéral de la tête tout en arborant un large sourire (notre « non » européen). Ne nous laissons pas induire en erreur ; en Inde, ce signe veut dire « oui ». Même si nous le savons maintenant, c'est toujours assez troublant. D'autant plus quand notre question comporte un choix. Que comprendre ? Par là ou par là ??? On se retrouve aussi assez régulièrement devant un vide absolu. On se demande alors si la personne est complètement abasourdie par notre venue et si quelque chose se passe encore dans sa tête car plus rien ne bouge … y'a quelqu'un ??? Après plusieurs secondes de béatitude, la vie reprend sur son visage et nous pouvons continuer notre chemin pour demander à quelqu'un d'autre ! Ils sont tout simplement la plupart du temps tellement surpris de croiser un blanc, peut-être la 1ère fois de leur vie, qu'ils ne peuvent comprend un mot de ce qu'on leur dit. C'est trop éloigné de leur quotidien.

ESCAPADE AVEC LES OISEAUX MIGRATEURS

Lors de notre escale à Navsari, notre hôte Trupti, passionnée par la photographie, nous amène découvrir, à quelques pas de la grosse ville et des embouteillages, un lieu encore sauvage et calme.

En route !

A l'aube, les herbes se teintent d'une douce lumière dorée. Nous quittons le civilisé pour le sauvage.

Allégorie de la pimentation culinaire

Cet endroit reculé est le refuge de très nombreux oiseaux migrateurs installés en été en Asie Centrale et en Himalaya, tels que les flamands roses, les canards sauvages et grues, ainsi que de nombreux nilgais (grandes antilopes), loups, lièvres et chats sauvages.
Beaucoup d'autres espèces d'oiseaux migrateurs tels que les Busturds, Bleu queue Guêpier, Ceraneous Vautour et Demoiselle Cranes arrivent également ici en grand nombre.
Ils nous observent et ne semblent pas trop effrayés par notre présence. Le flamand est ici heureux, nous aussi !

Nous n'avons jamais étés autant émerveillés devant des oiseaux. Certains ont des couleurs presque fluorescentes, d'autres de drôles de houppettes sur la tête, d'autres encore…

La veille au soir, Trupti nous prépare un bon repas  Miam !

En pleine préparation de Chapati

DANDI, LA PLAGE DE LA LIBERTE

Nous continuons cette matinale par la visite de cette plage. C'est un endroit mythique de l'Histoire de l'Inde.
Il s'agit de l'ultime étape de la marche de Gandhi en 1930 quand il entreprit une marche de la paix. La grande âme fut rejointe au fil des jours par des milliers de manifestants jusqu'au village de Dandi. Après s'être rituellement baigné dans l'océan, Gandhi, Le Mahatma, se pencha et ramassa une poignée de sel : symbole d'auto-réappropriation des denrées de l'Inde pour elle-même. Dans les jours qui suivirent, la révolution non-violente s'empara de toute l'Inde. De haut en bas, le mouvement ne devait plus s'arrêter jusqu'à l'indépendance … 60 000 personnes finissent en prison, tout comme Gandi, et y passent 9 mois jusqu'à ce que le vice-roi capitule à imposer la loi britannique, accorde le droit aux Indiens de collecter eux-mêmes le sel et libère tous les prisonniers qui fidèles aux recommandations du Mahatma, n'avaient pas résisté à la police.

Sur la plage de Dandi et 1ère fois où nos petits petons touchent la Mer D'Arabie !

Les lunettes de Gandhi sont représentées avec quelques unes de ses phrases cultes :

Nous pédalons au milieu des étangs à nénuphars autour desquels les Indiens font sans distinction lessives, toilettes, et ablutions.

Aucun microbe qui se respecte ne saurait vivre dans une eau pareille.

Le respect hindou de la vie nous questionne. La pêche est un acte réprouvé par de nombreux hindous végétariens. Par contre, on peut polluer l'eau dans laquelle vivent les poissons (au passage qui pourrait être leur grand-père), y laver le linge et vider nos poubelles à volonté. Cette vision du « respect » de la vie nous semble ainsi bien curieuse. On ne tue pas les animaux, mais on les sous-alimente et on les maltraite.

Les maisons aussi se mettent à ressembler à des gâteaux à la crème :

Les bâtiments eussent moins détonnées s‘ils avaient étés construits dans un style plus traditionnel. Il semble que le mauvais goût soit bel et bien également partagé entre toutes les cultures du monde.

Et, on retrouve des rizières :

Les champs de coton, de canne à sucre, de riz et de maïs reprennent peu à peu leurs droits sur la terre, avant que l'industrie n'occupe l'espace, avec des cimenteries, fabriques de carrelage, de céramiques, de tuiles qui laissent parfois un manteau poussiéreux sur le paysage.

LE COMBAT DE GANDHI CONTRE L'INTOUCHABILITE

Tout d'abord, expliquons brièvement qui sont les intouchables.
83% des Indiens sont hindous, divisés en deux mille à trois mille castes, groupes héréditaires, liés à une profession et hiérarchisé selon leur degré de pureté hygiénique et religieuse.
Parallèlement, les castes se divisent en quatre varnas. Au sommet de ces ordres traditionnels, les brahmanes, puis les kashtriys, les vaishyas et au pied de la pyramide, la masse des shudras.
Respectivement les prêtres, guerriers, commerçants et les serviteurs.

Les trois premiers ordres, seraient constitués à l'origine par les Aryens, terme qui signifie « noble » en sanskrit. Venue d'Asie centrale, ce peuple colonisa le nord de l'Inde il y a quatre mille ans, et imposa sa religion qui constitue la base de l'hindouisme ... et des castes.

Il existe des castes encore plus inferieures aux quatre premières. Ce sont les intouchables, les chandals, rangés au niveau des chiens et des porcs. Les balayeurs et blanchisseurs qui lavent le linge sale, les croque-morts qui tripotent des cadavres, les cordonniers qui manipulent la chair morte et les animaux crevés… Leur activité les tache d'une impureté permanente qui souille quiconque les touches. Ils vivent dans des quartiers spécifiques à l'écart des autres castes.

Même leur ombre peut polluer. Autrefois, l'entrée des villes leur était interdite tôt le matin et tard le soir, car leurs ombres allongées par la lumière rasante pouvaient tomber sur un membre de plus haute caste et le souiller. Ils devaient porter un pot de terre au cou pour cracher et ne pas souiller le sol, et devaient se coucher pour ne pas créer d'ombre lorsqu'ils croisaient un brahmane, ou encore crier pour avertir la population de sa présence polluante.

C'était autrefois, avant l'indépendance de 1947, où l'intouchabilité et la discrimination des castes furent abolies.
Gandhi y a joué un rôle incontournable. Aujourd'hui, les intouchables sont pudiquement appelées « caste répertoriées » ou « enfants de dieu ». Sur le papier, tous les temples, magasins, restaurants, puits, écoles, routes… leur sont accessibles sans restriction. L'état leur réserve des sièges au parlement, des emplois au gouvernement… avec la modernisation de la société, beaucoup n'exercent plus leur activité traditionnelle et manuelle.

Mais dans les faits… cela ne change pas grand-chose à leur intouchabilité. Ils appartiennent à la caste de leur ancêtre et continue d'occuper le bas de l'échelle sociale.

Les intouchables représentent environ 15% de la population, auxquels il faut ajouter 10% d'aborigènes vivant dans la jungle et considérés comme intouchables à cause de leurs pratiques tribales et impures.

Grosso modo, 25% de la population est intouchable, soit un humain sur 30 à l'échelle de la planète !

Cette discrimination fondée sur une impureté imaginaire est indélébile, tout comme la couleur de la peau. Un homme ne peut changer sa caste au cours de son existence présente. Seule la réincarnation après la mort lui permet de renaître dans une condition meilleure ... ou pire, en fonction de ses actions passées, bonne ou mauvaises. Bref, si tu es intouchable, c'est de ta faute, tu t'es mal conduit dans une autre vie, tu dois payer.

Le système de caste emprisonne l'individu et interdit toute ascension sociale. C'est une discrimination aussi monstrueuse et injuste que le racisme.

Pour nous en tant que voyageurs cyclop7des, les castes ne sont plus « visibles » dans la vie quotidienne mais elles le redeviennent lors du choix du conjoint. Les mariages inter-castes sont encore très rares, et ceux entre différentes religions d'autant plus.

BABASAHEB AMBEDKAR

Gandhi, homme de religion, ne remettait pas en cause l'origine Hindouiste du système de caste, et était, dirons-nous, en faveur d'une politique de discrimination positive.
Militant contre l'intouchabilité, il ne remettait pas en cause le système de castes dans son ensemble, jugeant que cela créait une excellente division du travail par la naissance. Il voulait « purifier l'hindouisme ». Il était réformateur plutôt que révolutionnaire. Il demandait aux hautes castes de faire preuve d'humilité, et aux intouchables de suivre des coutumes plus « propres ».
A Gandhi nous préférons peut-être Babasaheb Ambedkar , que nous avons découvert durant ce voyage. Juriste et homme politique indien dans les années 30 à 60, il est le principal rédacteur de la constitution de l'Inde, un leader des intouchables, et un initiateur du renouveau du bouddhisme en Inde.

« L'Hindouisme défavorise l'humanité qui empêche l'avancée et le développement de l'humanité car il est basé sur l'inégalité » déclare-t-il. Ennemi de l'hindouisme, il a convertit en masse des dalits (basse castes) au bouddhisme.

Là où Gandhi demandait aux hindous de haute castes d'accepter les intouchables, Ambedkar mobilisait les intouchables pour qu'ils se libèrent eux-mêmes.

Le parallèle entre ces deux hommes, l'un évangéliste et l'autre laïc. Gandhi idéalisait le village traditionnel, et Ambedkar y voyait un repère obscurantiste.

LES COCHONS D'INDE

Les poubelles sont rares, jamais vidées et des montagnes de déchets s'accumulent partout dans les rues.
Parfois une fumée nauséabonde s'en dégage – et cela constitue le garde-manger des animaux.

Les locaux vous inviteront tout naturellement à jeter par terre les ordures que vous transportez depuis trois jours dans vos sacoches. Ce qui nous laisse croire que les moyens matériels n'y changeraient rien sans prise de conscience car ils en ont tout bonnement … RIEN A FAIRE !

Cette femme vient de manger sa glace et jette négligemment les papiers là où elle la mange. C'est chose courante que ce soit par la fenêtre de la voiture, dans la rue, au restaurant, …

Résultat, les déchets doivent ensuite être consciencieusement balayés du devant de la porte de chacun. Pour le reste de l'environnement, ils n'ont qu'à disparaître d'eux-mêmes …

UN PEU DE TENUE !

Inutile de vérifier si les hommes sont circoncis pour savoir s'ils prient Mahomet ou Shiva. Musulmans et hindous se distinguent par la barbe et surtout par le port du lungi.

Il y a toujours beaucoup de couleur en Inde, tout d'abord les habits traditionnels. Les hommes portent en haut t-shirt ou chemise, et en bas un « lungi », drap de coton fixé autour de la ceinture telle une jupe masculine. Parfois un pantalon. Les femmes s'enveloppent dans un sari en coton aussi. Le sari, vêtement traditionnel Indien, est une bande de tissus d'environ 1 m 20 de large sur 5 à 6 m de long qui couvre le corps des chevilles à la tête en prenant soin de ne pas serrer les formes. Il s'enroule par-dessus un jupon et un corsage. Les motifs sont nombreux et les couleurs vives. A chaque occasion convient un style différent : du plus conventionnel au plus décontracté.

Les enfants se baladent souvent nus ou juste vêtu d'un slip.

Le kurta est une tunique ample, sans manches et sans cols. Le dhori est une culotte constituée d'un drap passé entre les jambes. Le dhoti est un pagne. C'est comme un lungi que portent les pauvres, mais en plus habillé.

Nombreuses burka habillent les femmes musulmanes aussi. Dès la douzaine d'année, le voile noir est de rigueur pour la plupart d'entres elles.

Les hindouistes portent un point rouge sur le front et allument souvent de l'encens aux odeurs si particulières. Aujourd'hui, ce point entre les deux yeux est devenu un élément de beauté au même titre qu'un bracelet.

SUITE AU PROCHAIN EPISODE

Nous continuons notre descente vers le Sud et passons la petite bourgade de Vapi. Excellente soirée en compagnie d'un architecte charmé par Le Corbusier et de ses fils athés, anti-Modi et faisant l'école à la maison. Les discussions sont riches et nous aimerions, comme tant d'autres fois, prolonger ce moment …

On prend conscience que notre présence apporte un bout d'ailleurs, un vent frais, un peu d'imprévu, et que cela leur est précieux.

Notre route nous amène le long de la côté, ça y est, nous allons vraiment la longer et voir la mer de plus près ! Mais tout ceci sera pour le prochain épisode ;)

A très bientôt !

Nath et JérMs

7 Responses

  1. PIERRE GUTIERREZ
    PIERRE GUTIERREZ at |

    C’est un régal
    Amicalement
    PIerre

    Reply
  2. Olivier Bertrand
    Olivier Bertrand at |

    Génial !

    pour répondre à ta remarque sur l’endroit où les indiens trouvent leurs permis, ce n’est pas dans une pochette surprise mais contre une bouteille de whisky remis à l’examinateur ou au bureaucrate qui les délivre, je ne sais plus (c’est en tout cas là que l’a trouvé un ami indien)

    Bonne route quand même !
    Olivier

    Reply
  3. MmeB
    MmeB at |

    Absolument superbe, les zenfants! J’adore et savoure vos textes et vos photos . J’apprends plein de choses,et je cogite sur vos regards,vos ressentis et vos analyses.. C’est extra !

    Reply
  4. vince
    vince at |

    Bravo à vous deux!
    Une belle aventure que voilà et joliment contée!
    Avoir le courage de regarder l’autre dans les yeux sans le juger, voilà ce que çà m’inspire.

    Reply
  5. Kuldip Gadhvi
    Kuldip Gadhvi at |

    Jereme!
    Your blog made me feel as I was all the time on road with you here in Gujarat. Your sketches, photographs and words are great combination as they shows read and authentic picture of our country and good enough to impress online communities.

    I’m sure you’ve and you will inspire many people around the world and I’m already feeling « Inspired » 🙂

    Keep in touch and best wishes for rest of your cycling in India
    Kuldip Gadhvi
    Bhuj Kutch

    Reply
  6. Benoit
    Benoit at |

    Merci bien pour ce partage de vie humaine là bas. C’est toujours un plaisir de vous lire et de mirer vos photos/dessins…
    Prenez soin de vous et au plaisir de vous revoir!

    Reply
  7. Laure B
    Laure B at |

    coooooool de voir des nouvelles photos et de lire la suite de votre périple !!!
    C’est agréable de lire ça sous la couette bien au chaud!!!
    Votre périple à l’air toujours bien fou !
    Profitez bien de la chaleur, je rentre d’un week-end à Lyon et je peux vous dire que le froid y est bien installé !
    Des bisous plein de fromage

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